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I and I

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La Quête

La seconde

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L'archive

Le mot

Un gentleman c'est quelqu'un qui sait jouer de la cornemuse et qui n'en joue pas.
 Pierre Desproges

21 septembre 2007 5 21 /09 /septembre /2007 14:53

                                                            

Africare16.jpg 


Le rideau n’est pas levé que déjà les cinq comédiens pointent leur nez. Assis sur le bord de la scène, le claquement de leurs mains se calque sur des rythmes africains. Préambule à un spectacle vivant, plein d’émotions brutes, un mythe grec à la sauce africaine contemporaine, souvent profond, jamais moralisateur.

Immergé dans les réalités congolaises d’aujourd’hui, Lorent Wanson revient au Poche avec un spectacle ambitieux et fort. Fruit de rencontres, de témoignages de comédiens, danseurs, prostituées, anonymes, Africare revisite le mythe d’Icare à travers les défis africains d’aujourd’hui. Quatre gros cylindres de fer, un patchwork de tissus blancs pour toile de fond, un projecteur vidéo composent le seul décor d’une scène épurée, toute en sobriété. Les musiques et danses africaines, servis par cinq comédiens  au rythme de feu, placent immédiatement le spectateur en immersion dans cet univers percutant. Violence, pouvoir, corruption, guerre, viol, maladie, prostitution mais aussi amour, art, courage, espoir.


Une mise en scène très habile met en perspective les cinq comédiens et des témoignages vidéo sur différents supports : la toile de fond, des petits écrans placé au milieu de la scène, des tissus portés par les comédiens. L’image projetée sur eux, ils sont tels des griots, des passeurs d’histoires dont le corps devient un support de la parole de l’autre. Leurs récits personnels se mêlent à ces témoignages vidéo, ils entrent en interaction, se répondent, s’interpellent. Bribes d’images, témoins de la barbarie ordinaire en temps de guerre. Un corps amputé et calciné est traîné le long d’une route. Ce corps est bel et bien un corps. Une réalité qui dépasse l’image. Les victimes d’une guerre ou du Sida ne sont pas des chiffres annoncés entre deux informations d’un journal télévisé mais des êtres humains avec une trajectoire, une famille et des rêves.


Icare dans tout ça


Un petit garçon annonce sur la toile de fond les étapes du mythe comme le pouvoir, le labyrinthe, l’insouciance. Les comédiens placent des masques africains sur leurs visages. Pas de deux entre Grèce antique et Afrique, mythe et réalités. Les témoignages sont crus, bruts, difficiles à admettre. Et malgré toute cette tragédie pointe toujours une lueur d’espoir. Comme pour ces femmes violées, meurtries au plus profond. Elles donnent naissance à un enfant dans toutes les douleurs possibles. Et finalement la maternité l’emporte et l’amour refait surface, dépassant ainsi la souffrance. Un homme retrace son chemin, une éducation privilégiée puis à dix ans la rupture. Il s’engage dans l’armée puis déserte au bout de deux semaines pour atterrir dans la rue, sans perspectives. Suivant une formation, il devient artiste et envisage l’avenir avec une nouvelle perspective.


Les comédiens sont flamboyants, la danse comme exutoire, leur chant est tant une complainte qu’un cri d’espoir. Les corps se tordent, rampent, sautent, ils incarnent la douleur et l’énergie qui les habitent. Cette interprétation très viscérale ne peut laisser le spectateur indifférent, on vibre au rythme de ces récits, de ce mythe bien ancré dans la réalité. Africare reste déroutante tant sur le fond que dans sa forme. Et si Icare se brûle les ailes en voyant se rapprocher le soleil, la pièce elle, s’envole vers des cimes de justesse et d’émotion.


Photo: Droits réservés

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31 mai 2007 4 31 /05 /mai /2007 15:51

elvis.jpg

Jill, jeune fille trop grosse obsédée par la nourriture, sa mère anorexique en pleine fleur de l’âge qui entend profiter de la vie, son père ancien imitateur d’Elvis devenu légume dans son fauteuil roulant, un superviseur de gâteaux au corps superbe : voilà la recette épicée d’une pièce drôle et touchante.

 

Noir complet, la musique de 2001, l’Odyssée de l’espace de Kubrick résonne et plonge le public dans une atmosphère mêlant grandeur et gravité. Laure Voglaire, Jill, annonce la couleur, ou plutôt la transparence de la pièce : « Scène 1 prologue » lance-t-elle. Bribes après bribes on comprend peu à peu la situation. Jill, jeune fille de 14 ans, étouffe. Son père, après un accident de voiture, troque sa cape d’Elvis pour un fauteuil roulant, et passe de la chanson au mutisme complet. Sa mère, en pleine fleur de l’âge, boit plus qu’elle ne mange et butine les hommes pour oublier. Entre ces deux-là, Jill se réfugie dans la cuisine qui est devenue le cordon (bleu) de son existence. Sa mère ramène un soir Stuart après une soirée bien arrosée, on saute du drame au burlesque. L’homme-objet du désir accepte de se dévêtir quand Jill et son père débarquent dans le salon, la famille n’est pas « sortie de l’auberge ».


La pièce oscille entre ces deux tons, passe du dramatique, de la situation, au comique qui au fil des provocations flirte parfois avec la ligne jaune de la grossièreté. Mais cette ligne n’est jamais franchie. L’humour y est fort à propos, même si parfois il côtoie le cynisme. Stuart félicite sa maîtresse sur son intérieur, celle-ci lui rétorque qu’elle a pu rajouter une pièce avec l’argent de l’assurance de son mari, handicapé à vie. Limite encore une fois quand Stuart du haut de ses 26 ans, non satisfait de la mère, se tourne vers la fille et lui demande « Quel âge tu as ? ». Jill : « Quelle différence ça fait ? ». Stuart de conclure « Pas beaucoup ». La scène qui suit, ubuesque et décalée, montre ces deux amants « incongrus » en train de faire l’amour. Stuart, très concentré dans son costume d’Elvis et Jill, ailleurs, disserte et mange un gâteau pendant qu’elle subit ses assauts.


Entre Vaudeville et réflexion sur la vie, l’amour


La pièce déroute un peu par ce mélange des genres, comment rire d’une situation si douloureuse ? En dédramatisant… La réflexion ne dure pas longtemps et on rit à gorge déployée, notamment lors des interventions grandiloquentes du King en personne. Il se prend pour Jésus, « où il y a la misère j’apporterais la richesse, la violence j’amènerai la paix ». Elvis en sauveur de l’humanité qui court à sa perte… plutôt cocasse. La mise en scène et les décors sont habiles. Face au public se trouve au fond du salon une grande glace dans laquelle (presque) chaque spectateur peut se regarder regardant. La prophétie du King, apôtre d’un certain William S. fait écho à cette situation : « songez que le monde n’est qu’une scène et que vous en êtes ses acteurs ».


Les comédiens sont convaincants, Vincent Lecuyer/Stuart mouille le maillot et se retrouve par deux fois tout nu sur scène. John Dobrynine est assez désopilant en roi du rock boulimique et ringard, heureusement auto dérisoire. Mais les femmes mènent la danse de cette pièce. Isabelle Defossé joue finement la mère, professeur d’anglais à tendance vampe dont la tendresse envers sa fille et son mari n’a d’égal que sa maladresse et son caractère lunatique car alcoolique. Sa fille Jill est merveilleusement interprétée par Laure Voglaire : une jeune fille entre deux, mi femme, mi enfant, coincée dans cet état,  mais aussi entre ses parents puis entre Stuart et sa mère.

Le côté sérieux du sujet de la pièce passe avec légèreté, drôlerie et bonheur dans cette comédie à consommer sans modération. 

 

Auteur : Lee Hall

Traduction : Frédérique Revuz et Louis-Charles Sirjacq

Mise en scène : Georges Lini assisté de Xavier Mailleux

Scénographie : Anne Guilleray

Eclairages : Philippe Warrand

Décor sonore : Laurent Horgnies

Costumes : Natacha Cadonici

Distibution : John Dobrynine (père), Isabelle Defossé (mère), Laure Voglaire (Jill), Vincent Lecuyer (Stuart)

Du 26 mai au 2 juin à 20H30 au Théâtre de Poche, 1a chemin du gymnase, 1000 Bruxelles (Bois de la Cambre)

 

 

Photo Stéphanie Jassogneanti_bug_fck

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18 février 2007 7 18 /02 /février /2007 18:05

                                            

Le théâtre de poche de Bruxelles proposait du 1er au 17 février Si c'est un homme de Primo Lévi. Ecrivain italien né à Turin, il publit en 1947 son premier livre sur son expérience de la déportation. Arrêté en tant que juif et résistant en 1943, il est livré aux Allemands en février 1944. Il prend alors la direction d'Auschwitz III ou Monowitz. Il y reste jusqu'à la libération du camp par les Russes, en février 1945.

Son livre Si c'est un homme retrace son expérience au camp, la façon dont il essaye de survivre et de rester avant tout un être humain. Un combat quasi impossible dans un lieu où tout est fait pour nier l'existence de ces hommes et femmes faits prisoniers. Il essaye d'être le plus réaliste possible, son ambition est de «fournir des documents à une étude dépassionnée de certains aspects de l’âme humaine». Ainsi il décortique avec soucis du détail la "vie" du camp.

Le spectateur est plongé dans le noir complet au début de la pièce (trou noir de l'humanité?). Seul les battements d'un coeur nous sont perceptibles. On se trouve tout de suite en apnée, parti pour ce genre de voyage dont on ne revient pas indemne. La mise en scène habile de Michel Bernard, la scénographie d'Olivier Wiame et les lumières de Xavier Lauwers, contribuent magistralement à nous destabiliser et nous emener. Sur la scène épurée, on aperçoit simplement un grand écran sur lequel se dessine une forme indéfinie, illustré par la voix de Frederik Haugness qui commence le récit. 

 

 Puis la forme se précise, une vague silhouette se dessine. Le récit continue et on peut alors deviner la silhouette d'un corps nu derrière l'écran. Celui-ci est comme un filtre de la réalité, une façon de montrer que ce qui s'est passé à cette époque dépasse l'existence même. C'est une des forces de l'auteur: nous montrer que ces monstruosités ont bel et bien étaient commises par des hommes organisés, suivant un mécanisme implacable.

 

 

 

 

L'arrestation, l'incrédulité, la découverte des conditions innomables du camp, tout s'enchaîne très vite. L'existence de ce jeune italien telle qu'il l'a connue est définitivement terminée.  Et malgré toute l'incompréhension de Primo Lévi vis à vis de l'inhumanité de la situation, sa lucidité reste toujours en pointillés. Parfois elle est à deux doigts de s'effaçer, le renoncement, l'abandon viennent pointer leur nez.

 

 

 

 

La force du texte et l'interprétation viscérale du comédien donne une puissance à cette pièce qu'il est difficile de restranscrire avec des mots. Il s'agit là d'une sorte de voyage extrême, on est transporté dans un autre univers. Un univers tellement hallucinant qu'on se demande comment il a bien pu exister. Et pourtant il fait partie de notre Histoire à tous, des faits qu'on ne doit taire. Le livre de Primo Lévi a acquis avec le temps le rang de chef d'oeuvre, il en est indéniablement un. Si vous avez la chance de pouvoir le lire ou d'aller en voir la mise en scène, ne vous privez à aucun prix de cette initiation édifiante.

 

 

 

Mise en scène : Michel Bernard
Avec: Frederik Haùgness

Scénographie : Olivier Wiame
Lumières : Xavier Lauwers
Costumes: Natacha Belova
Lien théâtre de poche: http://www.poche.be/saison0607/SiHomme/index.htm

Photo: Stéphanie Jassagne
 

 

 

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si_c__est_un_homme.jpg
Vidéo: Fred Vaillant
Musicien: Pierre Roland
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17 février 2007 6 17 /02 /février /2007 15:38

Troisième volet de la trilogie « Les trois printemps », écrit par Morgan Van Helden, Le dernier rivage ne tient pas toutes ses promesses. Le mélange de styles (burlesque, tragédie, symbolique) fait un peu perdre le fil au spectateur. Et malgré quelques moments brillants, et plusieurs comédiens qui pétillent, ce spectacle reste trop inégal pour en faire une bonne pièce de théâtre.

La personnalité de cette pièce colle un peu au couple central. Christelle, caricature snob du nouveau riche avec ses excès, son ridicule, est la femme de Milé, ancien grand violoniste devenu critique musical, trop torturé qu’il était par son art. On ne sait trop sur quel pied danser et l’on s’y noie un peu.

Le couple bat de l’aile, le divorce paraît inéluctable, Milé va perdre ses deux enfants. Il souhaite leur faire un ultime présent, afin de leur montrer le sens de l’existence. Mais ce cadeau, que l’on devine rapidement (leur jouer du violon) sera le plus ultime qu’il puisse leur faire car il lui en coûtera la vie. Averti par les médecins que s’il continuait à jouer de son violon, Pandore, il n’y survivrait pas. Milé a alors consacré sa vie à la critique musicale et à l’éducation de « ses » enfants, qui en fait sont du premier mariage de Christelle.

« Par l’ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps ont-ils été destinés à moi ? » (Blaise Pascal)

Cette intervention de la mythologie grecque donne une touche de symbolisme à la pièce. On la retrouve avec l’intervention de la « grâce », Mââb-Ecath, sorte de divinité de la tentation. Elle essaye de convaincre Milé de reprendre son violon et de laisser parler son cœur. Car toutes ces années de renoncement l’ont en quelque sorte isolé du monde, qui fourmille autour de lui. Il travaille en vase clos, les contingences matérielles l’indiffèrent, il vit dans sa bulle paternelle et musicale.

Bien sûr, ses enfants le ramènent à la réalité en lui faisant part de leurs problèmes existentiels. Sa fille, devenue une jeune fille qui se perd dans l’ivresse de la nuit, lui demande conseil sur le sens à donner à sa vie. Elle fustige aussi son attitude passive, son retrait. Plus tard son fils, joué par l’excellent Christophe Sleutel, lance son incompréhension et sa haine du monde au spectateur dans des envolées lyriques assez truculentes. Mais tous deux, à l’image de leurs parents, sont perdus dans cet univers et s’interrogent sur la façon d’être, de faire.

Un mélange inégal

A ces moments existentiels se mêlent des passages plus burlesques, avec notamment l’intervention de Monique, l’amie de Christelle. Admirablement interprétée par Garence Holliver, cette caissière de piscine caricaturale mais très drôle, donne à la pièce quelques moments de franche drôlerie. Quelques passages comiques restent quand même assez léger, Milé s’adressant à son fils « Tu veux te croire libre Max » ; Monique parlant à Christelle de leur journées « 3 d » : « Danse, drague, coiffure ».

On entend parfois au cours de la pièce des passages audio assez oniriques, tirés des deux volets précédents. Ils seraient des pensées que les autres personnages adressent à ceux de cette pièce. On peut trouver l’idée originale et intéressante, mais au final cela ajoute à la confusion du spectateur. Nicolas Van den Abeele, assez dérangeant dans son rôle de Milé, prolonge le spectacle en nous lisant un poème de Pierre Fontaine, présent dans la salle. Le texte est très beau, seulement on ne sait plus trop ce qu’on est venus voir ou faire.

 

Cette pièce reste sans doute trop ambitieuse, elle reprend quelques éléments de conte philosophique et les mêlent à des passages burlesques. Le tout reste donc un peu éparpillé, l’alchimie a du mal à opérer même si certains passages sont fort savoureux. Grâce entre autre au très bon jeu de Garence Holliver, et aux interventions nihilistes de Christophe Sleutel. Son personnage (Max âgé) veut tout brûler mais ce sont ses ailes qu’il consume. Les printemps de brumes a des atouts, mais elle ne les exploite pas suffisamment. La richesse des nuances (de style, de personnages) se dilue un peu trop pour que le spectateur sorte comblé de ce spectacle.

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28 janvier 2007 7 28 /01 /janvier /2007 20:13

Ah le Magic Land Théâtre de Schaerbeek, à deux pas de la Gare du Nord et de ses fameuses boucheries cachères…Dans ce lieu chaleureux aux airs de café théâtre, François Torres, torero reconverti en humoriste, tente de nous embarquer pour une visite de la Belgique.

 

Public chéri, mon amooour ph-copie-1.jpg

« Je suis venu dans la ferme intention de vous faire jouir » lance-t-il au public. Objectif peu banal pour un tel quartier. Et nous voilà embarqué dans un spectacle populaire qui retrace dans un premier temps l’histoire de la Belgique, portraits satiriques de ses régnants, bisbille entre Wallons et Flamands.

Chacun en prend pour son grade, tout cela dans une ambiance bon enfant. L’humour fait la part belle aux jeux de mots bons et moins bons, parfois légèrement capilo-tractés. Le jeu est assez nerveux et le comédien a une certaine présence sur scène.

La première partie assez rigolote, atteint son apogée avec l’enterrement de la Belgique. Un PV sur le cercueil car il n’y a pas de triangle de signalisation sur cette « remorque », des saucisses de Francfort en guise de bougies, on se trouve aux portes de l’absurde et de l’ubuesque. Les références à l’univers belge fusent en tout sens et l’on ri de bon cœur.

De l’absurde au surréalisme

La mort de la Belgique sonne un peu celle du spectacle. Après celle-ci, il bascule dans un autre univers, plus hermétique et franchement moins drôle. Le comédien entre dans la peau d’une femme au supermarché, et on ne suit pas bien sa démarche. Une critique de la société de consommation minée par un humour au ras des capucines. Il passe alors à un homme au stade terminal d’un cancer et s’exprime dans une sorte de patois incompréhensible, entre mime et onomatopées le sens a du mal à émerger.

Finalement, on se quitte sur une ode à la petite drache bruxelloise, guitare en main, François Torres fini sur une note plus poétique. S’il n’a pas réussit à atteindre son objectif initial avec ce spectacle pour le moins inégal, on passe quelques moments rigolos. Le parfum de la typicitude belge, au charme inénarrable, vient chatouiller nos narines. 

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25 janvier 2007 4 25 /01 /janvier /2007 11:28

La complainte des percussions de Manou Gallo annonce la couleur : puissance et résonance. Le spectateur va vibrer pendant plus d'une heure, au rythme incessant de cette pièce-poème de Kay Adshead. Mise en scène par Michael Batz, habitué des spectacles provocateurs et engagés. La femme fantôme retrace l'itinéraire hallucinant, et pourtant réel (basé sur des témoignages) d'une journaliste africaine réfugiée en Angleterre. Elle a vu sa famille entière (parents, mari et fille) décimée sous ses yeux en représailles d'articles critiquant le régime politique de son pays. Menacée de mort la femme noire doit fuir pour survivre. Là, commence un parcours du combattant pour exister dans ce pays d' « accueil ».

 

Une scène épurée, avec pour tout décor un grillage coiffé de barbelés, une valise pleine de souvenirs douloureux, une chaise (de l'accusée), une barre qui va du sol au plafond, au centre d'un cercle de sable. Ce cercle, c'est celui de l'enfer quotidien des réfugiés politiques. Carole Karemera interprète cette femme en exil imposé, et croque une trentaine de personnages. Cela va des douaniers qui l' « accueillent » à l'aéroport d'Heathrow, en passant par les gardiens du centre de rétention, les enquêteurs de l'administration, les autres demandeurs d'asiles?

L'histoire touche par la cruauté des situations, l'inhumanité des personnes rencontrées. Dès la première seconde on est aspiré dans cette galaxie à la fois proche de nous, mais pourtant lointaine de nos préoccupations quotidiennes. La femme conte la façon dont les enquêteurs anglais suspectent sa requête. Accusé d'emblée, elle doit relater son histoire avec une précision scientifique, la moindre faille étant exploitée par l'administration. L'histoire du massacre qu'elle a vécu en Afrique donne lieu à une mise en scène aussi originale qu'efficace. L'actrice sur le devant de la scène se colle à un projecteur qui reflète son ombre géante derrière elle.

Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, rongée par son drame et cuisinée à petit feu par la machine administrative. Son jeu extraordinaire sur un sujet d'une telle gravité a encore plus de résonance grâce à l'illustration sonore de Manou Gallo. Celle-ci tire des balles musicales, fait sonner les sirènes, fait danser la mort et la vie. Sa complicité avec la comédienne offre des moments de répit, où le spectateur reprend une bouffée d'oxygène. Le rire comme exutoire, salvateur. La femme caricature avec finesse la bassesse de ses bourreaux en costume, sans une once d'aigreur. Elle défait le système en montrant son absurdité.

Alors, passer à côté de cette pièce édifiante peut nuire à la santé, à la conscience. Le théâtre militant, éclairant des sujets si durs et si délicats, devrait être remboursé par la sécurité sociale. Il nous éclaire sur la part d'ombre de nos démocraties. « Les mots sont comme de la cire chaude et cette pièce-poème, un cri ». Allez voir la pièce pour ne pas que ce cri s'éteigne dans la nuit !

Infos Bruxelles: http://www.poche.be/

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